Discours d’Alexandra Henrion-Claude
sur le parvis de la Coupole du Père Lachaise
lors de la cérémonie d’honneur au Professeur Montagnier
22 février 2022
Côtoyer le professeur Montagnier, à ses presque 90 ans, avoir combattu à ses côtés, notamment au Luxembourg, a été un très grand privilège.
Avant même de nommer son génie, je souhaiterais louer sa jeunesse. En espérant ne choquer personne, j’aime à dire que c’est le plus jeune garçon que j’ai rencontré ces derniers temps.
Jeune. Jeune il l’était par son énergie, par son ouverture d’esprit, sa curiosité, son œil vif, sa fossette, gourmand d’essayer de comprendre et de partager entre collègues, mais aussi auprès de vous, son grand public, et auprès du Pouvoir, celui-là même qui tentait vainement de l’ignorer quand l’histoire les rattrapaient toujours et les rattrapera encore.
Si c’est pour la vie que nous sommes faits depuis notre naissance, alors cher Professeur, vous étiez bien fait pour elle mais aussi, vous l’avez été pour protéger celle des autres, de milliers d’autres, jusqu’à votre dernier combat, vous avez simplement cherché à protéger la vie de l’humanité.
Vous étiez aussi hors normes car vous saviez allier en même temps la dimension scientifique et celle du clinicien, sans renier l’une ou l’autre, mais en les mettant au service l’une de l’autre, une éthique de travail que vous dégagiez par une intégrité à toute épreuve ; et même l’épreuve du mépris et de la basse mesquinerie, vous n’y répondiez pas. Aucune attaque ad hominem, vous poursuiviez votre chemin, celle de dire vrai au Pouvoir, ce qu’on appelle en anglais «truth to power».
Professeur, vous étiez tellement au-dessus, tellement que vous restiez gentil, sachant conserver votre originalité et votre humilité face à la connaissance. Je ne crains pas de dire que ce qui distingue à mes yeux le professeur Montagnier de toute notre communauté scientifique, c’est qu’il ne se perdait pas dans cette connaissance. Il la plaçait – jusqu’au bout de ses forces – comme un service à la nation, comme un service de justice à la santé des hommes, avec grande élégance dans les gestes, dans les regards, dans la parole.
Le professeur Montagnier semble n’avoir jamais cessé de travailler pour ce service, du coup, comment puis-je ne pas entendre, de notre dernière conversation téléphonique, alors qu’il était à l’hôpital, son envoi en mission. Avec ardeur, avec amour et générosité, je m’efforcerai de continuer son travail – votre travail cher Professeur – votre «truth to power» – en votre nom, et j’espère pour mes enfants et pour la France, que nombreux sont ceux qui demanderont, et avec insistance, des rues à votre nom, cher Professeur, afin que votre mémoire perdure.
Cette mémoire, non, ce ne sera pas par une adulation mal placée que vous n’auriez pas du tout aimée, cher Professeur, mais parce qu’évoquer votre nom, c’est évoquer votre service à la vérité, et cela servira de boussole aux générations futures.
Dr. Alexandra Hernion-Caude.
Généticienne